IA et genre : pourquoi tant de voix féminines ?

« Dis Siri, quel temps fait-il demain ? » « Alexa, joue ma playlist préférée. » Ces phrases sont devenues des automatismes au quotidien.

Mais avez-vous déjà pris un instant pour remarquer un détail subtil, mais omniprésent ? La voix qui vous répond est, par défaut, très souvent celle d’une femme. Coïncidence, préférence esthétique ou le reflet de quelque chose de plus profond ?

La féminisation des Intelligences Artificielles, et plus particulièrement des assistants vocaux, n’est pas un hasard. C’est un choix de conception qui puise ses racines dans notre culture et qui a des conséquences bien réelles sur notre perception de la technologie et des genres.

Dans ce texte, nous allons explorer ensemble pourquoi les géants de la tech ont majoritairement opté pour des voix féminines. Nous verrons comment cette tendance, loin d’être anodine, peut renforcer des stéréotypes tenaces et ce que nous pouvons faire pour construire une IA plus représentative et inclusive.

Pourquoi l’IA nous parle-t-elle avec une voix de femme ?

Pour comprendre pourquoi nos assistants virtuels nous parlent avec une voix de femme, il faut regarder plus loin que la technique et s’intéresser à la psychologie et à l’histoire. Les raisons sont une combinaison de pragmatisme commercial et de biais culturels profondément ancrés.

Un héritage culturel : l’association femme-assistance

Historiquement, les rôles d’assistance et de service ont souvent été occupés par des femmes. Pensez aux opératrices téléphoniques autrefois ou aux secrétaires. Ces professions ont forgé une association culturelle forte entre la voix féminine et les notions d’aide, de serviabilité et d’organisation.

Les concepteurs d’IA ont tout simplement puisé dans cet imaginaire collectif.

Des recherches indiquent aussi que la plupart des gens, hommes comme femmes, perçoivent les voix féminines comme plus chaleureuses, moins autoritaires et plus agréables. Pour rendre une technologie nouvelle et potentiellement intimidante plus accessible et amicale, le choix d’une voix féminine est apparu comme une solution rassurante et efficace pour favoriser son adoption par le plus grand nombre.

Le marketing et les stéréotypes au service de l’adoption

Toute entreprise cherche à commercialiser ses produits avec succès. Les géants de la tech ont donc cherché à minimiser les frictions lors de la première interaction entre l’utilisateur et son assistant. En se basant sur les stéréotypes existants, ils ont fait le pari qu’une voix féminine serait mieux acceptée.

C’est ainsi que des assistants comme Siri, Alexa ou Cortana ont vu le jour. Elles ont été conçues pour être des assistantes parfaites : toujours disponibles, patientes, efficaces et dévouées. Le choix d’un prénom et d’une voix féminins n’a fait que renforcer cette image, créant un produit facile à marketer et à intégrer dans les foyers partout.

Quand la technologie perpétue les stéréotypes de genre

Ce choix, bien que commercialement compréhensible, entraîne des répercussions. En associant systématiquement l’assistance à une identité féminine, la technologie ne fait pas que refléter des stéréotypes de genre, elle contribue activement à leur consolidation.

L’IA féminisée : un rôle subalterne ?

Cette tendance confine l’IA, et par voie de conséquence l’image des femmes, à un rôle subalterne. L’assistant vocal est programmé pour servir, obéir à des ordres et ne jamais se plaindre. En lui donnant systématiquement une voix de femme, on ancre l’idée que le service et l’assistance sont des attributs « naturellement » féminins.

Cette association contribue à normaliser des dynamiques de pouvoir inégales. Elle renforce le cliché de la femme serviable et dévouée, dont la fonction première est de faciliter la vie des autres. La technologie influence nos perceptions, et cette orientation a un effet direct sur notre vision des rôles de genre.

Un impact sur la place des femmes dans la Tech

Cette féminisation par défaut a également un impact sur la place des femmes au sein de l’industrie technologique. Alors que l’IA est un domaine dynamique et prometteur, sa facette la plus visible est souvent cantonnée à un rôle d’assistante. Cela peut décourager les femmes de s’engager dans ce secteur, ou du moins biaiser leur perception des opportunités.

Une analyse de Le Point a montré une donnée significative :

• Entre novembre 2022 et mai 2024, les femmes ne représentaient que 42 % des utilisateurs de ChatGPT.

Si les causes de cette disparité sont diverses, on peut se demander si la représentation stéréotypée des IA n’y contribue pas, en créant un univers technologique qui semble, implicitement, moins s’adresser à elles.

Vers une IA plus inclusive : changer la donne !

Heureusement, une prise de conscience collective est en marche. De plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une intelligence artificielle qui reflète la diversité de notre société. Des solutions concrètes commencent à émerger pour déconstruire les stéréotypes.

La diversité des équipes : moteur d’une IA équilibrée

L’évolution vers une IA plus inclusive commence par la diversité des équipes de conception. Des équipes de développement majoritairement masculines auront tendance à reproduire, fréquemment sans le vouloir, les biais de la société. Intégrer plus de femmes et de personnes issues de divers horizons dans les métiers de la tech est essentiel pour créer des produits plus équilibrés et innovants.

Lorsque les créateurs d’une technologie représentent une plus grande variété de perspectives, le produit final est intrinsèquement moins sujet aux stéréotypes. Ceci assure le développement d’IA qui ne ciblent pas seulement une fraction de la population, mais qui sont imaginées par tous et pour tous.

Des avancées concrètes : le choix de la voix de l’IA

En réponse aux critiques, les entreprises technologiques commencent à réagir. Plusieurs assistants vocaux offrent désormais un choix de voix dès leur configuration initiale. L’utilisateur peut opter pour une voix masculine, féminine, ou parfois même des voix non genrées, laissant la décision entre ses mains plutôt que de l’imposer.

Cette simple option est une avancée significative. Elle rompt avec le statut par défaut de la voix féminine et affirme que l’assistance n’a pas de genre. D’autres projets envisagent la création de voix synthétiques neutres ou la personnalisation complète de l’assistant, favorisant une interaction plus saine et plus égalitaire avec la technologie.

La féminisation des IA dépasse la simple considération technique. Elle révèle des biais culturels profondément enracinés, que la technologie a un temps accentués. Ce choix, initialement motivé par des raisons commerciales et psychologiques, a eu pour effet de renforcer des stéréotypes de genre limitants.

Cependant, le vent est en train de tourner. La prise de conscience de ces enjeux pousse les créateurs et les utilisateurs à exiger plus de diversité et d’inclusivité. En offrant plus de choix et en diversifiant les équipes de conception, nous pouvons faire de l’IA non plus un miroir de nos préjugés, mais un outil au service d’une société plus égalitaire.

Et vous, quelle voix avez-vous choisie pour votre assistant ? Avez-vous déjà réfléchi à l’impact de ce choix ?

Simone

Simone, rédactrice principale du blog, est une passionnée de l’intelligence artificielle. Originaire de la Silicon Valley, elle est dévouée à partager sa passion pour l’IA à travers ses articles. Sa conviction en l’innovation et son optimisme sur l’impact positif de l’IA l’animent dans sa mission de sensibilisation.