Bulle de l’IA : faut-il vraiment s’inquiéter ?

L’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres. Des milliards d’euros sont investis, les valorisations des startups explosent et chaque jour apporte son lot d’innovations. Cette effervescence spectaculaire soulève une question de plus en plus pressante : assistons-nous à une transformation majeure ou simplement à la formation de la prochaine grande bulle technologique, prête à éclater comme celle d’Internet au début des années 2000 ?

Cette interrogation n’est pas anodine. Selon une récente enquête de BofA Global Research, plus de la moitié des gestionnaires de fonds (54 %) estiment que les actions liées à l’IA sont déjà surévaluées.

Alors, faut-il céder à la panique ou garder la tête froide ? Ce document propose de décortiquer les arguments, de comparer les époques et de considérer ce que les experts pensent de cette effervescence de l’IA.

La bulle Internet : un passé qui éclaire le présent ?

Le parallèle avec la bulle Internet de la fin des années 90 est frappant. On retrouve la même excitation, des investissements massifs et des promesses de changer le monde. Pourtant, la situation actuelle présente des nuances importantes qu’il est essentiel de comprendre.

Le cycle classique de l’innovation

Comme le souligne Ben Dawson, un des dirigeants de Cisco, les grandes transformations technologiques suivent souvent un schéma familier. D’abord, une phase d’enthousiasme démesuré, suivie par des investissements colossaux, puis une inévitable correction du marché qui sépare les projets viables des simples mirages. C’est uniquement après cette phase de « nettoyage » que la valeur à long terme émerge.

Cette perspective est fondamentale. Elle suggère que même si certains projets ou modèles économiques liés à l’IA ne survivent pas, la transformation de fond, elle, est bien réelle et durable. Tout comme Internet a redéfini notre société, l’IA est en train de remodeler en profondeur notre façon de travailler, de communiquer et d’innover.

Des valorisations qui donnent le vertige

Il est indéniable que l’enthousiasme actuel pousse certaines valorisations à des niveaux stratosphériques. Bryan Yeo, du fonds souverain de Singapour GIC, note que de nombreuses jeunes pousses de l’IA affichent des « multiples énormes » malgré des revenus encore très modestes. Cette déconnexion entre la valorisation et la performance économique réelle est un symptôme classique d’une bulle spéculative.

Des personnalités comme Sam Altman, le PDG d’OpenAI, reconnaissent volontiers cette surexcitation du marché. Il prédit qu’il y aura de grands gagnants, mais aussi que de nombreux investisseurs perdront des sommes considérables, un scénario qui rappelle étrangement l’éclatement de la bulle Internet.

L’IA : un moteur alimenté par des acteurs puissants

La dynamique actuelle n’est pas seulement le fruit d’un engouement passager. Elle est alimentée par des acteurs puissants aux motivations bien réelles, des gouvernements aux investisseurs privés, chacun jouant un rôle déterminant dans la construction de cet écosystème.

Le rôle stratégique des gouvernements

Contrairement à l’ère du « .com », les États sont aujourd’hui des acteurs essentiels. Aux États-Unis, l’IA est perçue comme un enjeu de sécurité nationale et de puissance économique, poussant les administrations successives à encourager l’innovation privée. La Chine, de son côté, a adopté une approche dirigiste, injectant des capitaux massifs dans ses entreprises locales pour réduire sa dépendance technologique vis-à-vis de l’Occident.

L’Europe, quant à elle, a d’abord mis l’accent sur la régulation, mais elle accélère désormais ses investissements pour ne pas se laisser distancer, notamment avec des initiatives comme le plan « AI Continent Action Plan« . Cette implication étatique mondiale donne à l’IA un socle plus solide que celui de nombreuses entreprises de la bulle Internet.

Le défi pour les entreprises : séparer le bon grain de l’ivraie

Pour les entreprises, la question n’est pas tant de financer la prochaine infrastructure que de savoir comment utiliser l’IA pour créer une valeur réelle. L’histoire nous a appris une leçon précieuse : les survivants de la crise de 2000, comme Amazon, sont ceux qui ont su aligner la technologie sur une stratégie commerciale solide, loin de la simple euphorie des marchés.

Le principal enjeu pour les dirigeants aujourd’hui est d’intégrer l’IA de manière pertinente dans leurs opérations pour améliorer leur productivité, leur offre et leur compétitivité. C’est ce pragmatisme qui fera la différence entre les entreprises qui surferont sur la vague et celles qui seront emportées.

Alarmes et sagesse : naviguer dans la tempête de l’IA

Malgré des fondamentaux solides, les avertissements se multiplient. Les régulateurs financiers et les économistes appellent à la prudence, tout en soulignant que le scénario catastrophe d’un effondrement total est peu probable.

Les marchés financiers sous haute surveillance

La Banque d’Angleterre a récemment averti qu’une perte de confiance dans l’IA pourrait provoquer une « correction brutale » des marchés, avec un impact matériel sur le système financier. Cette mise en garde reflète une inquiétude grandissante face à la vitesse à laquelle les valorisations ont grimpé, déconnectées parfois des retours sur investissement à court terme.

Cependant, de nombreux experts relativisent le danger. L’économiste en chef du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, souligne un point essentiel : contrairement à la crise des subprimes de 2008, les investissements actuels dans l’IA ne sont pas massivement financés par la dette. Ceci réduit considérablement le risque d’une crise financière systémique en cas de ralentissement.

Vers un cycle, pas un effondrement

En fin de compte, la plupart des experts s’accordent sur un point : même si une correction du marché est probable, voire saine, elle ne signifiera pas la fin de l’IA. L’enthousiasme actuel permet de financer la construction d’une infrastructure qui sera le socle des innovations de demain, incluant :

• Les puces
• Les centres de données
• Le cloud

Comme l’explique Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, ces périodes d’effervescence laissent souvent derrière elles des progrès réels une fois que le marché s’est stabilisé. Il est difficile de distinguer les bonnes idées des mauvaises au milieu de la tempête, mais l’infrastructure, elle, demeure.

Parler de « bulle de l’IA » est peut-être à la fois juste et trompeur. Juste, car l’excitation et la spéculation sont bien réelles.

Trompeur, car la technologie sous-jacente est transformative et ses applications concrètes se multiplient déjà. Nous sommes probablement moins face à un château de cartes prêt à s’écrouler qu’au début d’un cycle technologique majeur, avec ses hauts et ses bas inévitables.

La question n’est donc pas tant de savoir si la bulle va éclater, mais plutôt comment les entreprises, les investisseurs et les employés peuvent naviguer intelligemment à travers cette période de turbulences pour en récolter les fruits à long terme.

Et vous, pensez-vous que nous sommes dans une bulle sur le point d’éclater ou au début d’une nouvelle ère industrielle ? Partagez votre avis dans les commentaires.

Simone

Simone, rédactrice principale du blog, est une passionnée de l’intelligence artificielle. Originaire de la Silicon Valley, elle est dévouée à partager sa passion pour l’IA à travers ses articles. Sa conviction en l’innovation et son optimisme sur l’impact positif de l’IA l’animent dans sa mission de sensibilisation.